En visite chez un ami anglais collectionneur, ce dernier me demande au petit déjeuner si mon billet d’avion est modifiable. Nous appelons la British Airways, tout est arrangé en quelques minutes.
Je découvre mon nouveau mode de retour sur Paris dans son garage, un majestueux cabriolet Jensen Interceptor III noir, tout frais sortit d’une restauration dispendieuse.
Sa carrosserie est rutilante, l’habitacle est entièrement gainé d’un beau cuir beige. Son mécanicien personnel fignole quelques réglages sous le capot.
Quelques instants plus tard, je quitte le Pays de Galles et me retrouve sur l’autoroute.
Tout se passe le mieux du monde, mis à part une panne de pompe à essence (changée sur le bord de la route par le remarquable Royal Automobile Club), jusqu’à ce que j’aborde la descente des falaises de Douvres pour rejoindre le Ferry. La voiture prenant de la vitesse, j’actionne les freins: mon pied vient écraser la pédale au plancher, sans effet, ou presque, sur les disques! La Jensen accélère encore, j’attrape le levier de vitesses pour rétrograder. Le V8 hurle, le frein moteur peinant à ralentir les deux tonnes d’acier et de cuir. Mais la pente se fait encore plus abrupte!
Il ne me reste plus qu’une solution: la voie de secours des camions. Elle est constituée d’une allée en gravier, qui se termine par un gigantesque bac à sable, censé arrêter un semi-remorque. Je vous confirme que cela fonctionne très bien! J’ai tout de même réussi à rentrer ainsi à Paris, non sans mal (la montée dans le bateau fut compliquée) ni sans émotions (il fallait voir la tête de l’auto-stoppeuse installée à ma droite lorsqu’elle a compris que nous n’avions quasiment pas de freins). J’avais oublié de la prévenir, de peur qu’elle ne monte pas dans la voiture… Elle s’est discrètement éclipsée sur le bateau.
Ayant pris le volant d’un gros cabriolet anglais récent, j’avoue être un peu resté sur ma faim. Bien sûr, tout fonctionnait à merveille, de son moteur V12 ultra puissant, sa suspension parfaite, à sa climatisation sophistiquée. Mais à la fin de la journée, il ne s’était rien passé: pas la moindre défaillance, panne ou même témoin lumineux qui clignote.
Il suffirait pourtant aux constructeurs de prévoir un petit interrupteur discret, intitulé Emotion, qui programmerait électroniquement quelque « exciting event »: une panne de moteur simulées,par à-coups, une jauge de température qui s’affole, une capote électrique qui s’arrête à mi-parcours, pour retrouver instantanément ces sensations oubliées de la conduite à l’anglaise : estomac noué, front en sueur, angoisse qui monte…
Charles Paxson
V12 GT
L'émotion automobile
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