Peugeot 402 Darl’mat Spécial Sport Roadster
La seule qui compte
Parcourir l’histoire de la marque au lion à la recherche de l’un ou l’autre modèle s’imposant comme une réussite esthétique prend les traits d’une gageure. Peugeot n'a que rarement brillé par l’universelle beauté de ses productions et si la RCZ représente un effort louable, elle arrive bien tard pour redorer l'image de la marque. Il existe néanmoins une poignée de bolides très confidentiels qui ont la carrure pour tirer Peugeot parmi les marques qui comptent.
Cette silhouette à la fois douce, gracile et sportive porte le nom de Peugeot mais est le fruit du talent d’Emile Darl’mat. Concessionnaire Panhard puis Peugeot, formé par le pionnier de l’aviation Clément Adler, Darl’mat avait su s’entourer des noms les plus éminents dans le domaine des voitures de grand luxe, Marcel Pourtout et Georges Paulin. Avec ce dernier, il dessina une carrosserie aérodynamique, sur base d’une Peugeot 301, exposée pour la première fois lors de la World Fair de Chicago. En 1929, il accouche du concept le plus épatant de sa prime carrière, la 302 Eclipse, dont le toit se rétracte dans le coffre.
L’ambition inavouée de son esprit novateur se catalysait par un désir de pousser la marque Peugeot dans le cercle très fermé des grands constructeurs européens. Son brio, inspiré par les voitures de Grand Prix Peugeot, révolutionnaires dans les années 1910 et 1920 convainc l’intelligentsia de la marque sochalienne de lui donner accès et ressources pour construire sa propre voiture de sport. Ainsi naquit l’une des voitures les plus énigmatiques et picturales de l’histoire de la marque : la Spécial Sport.
Sa peau faite de feuilles d’aluminium extrêmement fines a été dessinée par Paulin à la suite d’un fastidieux travail en soufflerie, en 1938 ! Basé sur un châssis de Peugeot 402, ce roadster peut se targuer, en plus d’être incroyablement aérodynamique, de proposer un design, une finesse de traits absolument unique. Et comme si cela ne suffisait pas, il a subi une attention minutieuse pour rendre chacun de ses détails, comme les miroitantes prises d’air qui dévalent le capot, aussi gracieux que faire ce peut. Et pour ne rien gâcher, cette sculpture née pour courir a démontré une vélocité inégalée. Grâce à son poids plume, le modeste mais très abouti moteur de 70 chevaux a permis à 3 roadster de franchir l’arrivée des 24 Heures du Mans 1937 aux sept, huit et dixième places !
Cette Spécial Sport a fait le succès d’un homme, a dressé haut les couleurs d’une marque en compétition et remplit encore aujourd’hui de bonheur les yeux des plus exigeants esthètes de la planète. Ce Roadster Peugeot est assurément le plus exquis des bolides jamais construit par une marque française.
Julien Libioul
V12 GT
L'émotion Automobile
(Photos Gooding & Company)
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