Plongeons nous cette fois dans quelques documents anciens, voire très anciens, encensant l’exclusivité d’Aston Martin. Publicité et manuels d’utilisation témoignent du grand cérémonial de l’automobile de prestige dans ses années les plus folles.
Lord Smith, industriel britannique de l’entre-deux guerres, se laisse séduire par l’automobile. Il découvre que les catalogues Aston Martin débutent par un avant-propos. Délicate attention qui l’incite fortement à commander son bolide avec les très british carburateurs SU. Bien sûr, pour un « léger » surcoût Aston Martin peut équiper l’engin dernier cri de ces choses que les Français nomment Zenith ou Solex. De même, s’il n’a cure de la Magneto « Scintilla », moyennant quelques Pounds supplémentaires, Lord Smith équipera son capot d’une batterie et d’une bobine d’allumage. Et Aston Martin de l’encourager à exprimer le moindres de ses désidératas.
Une fois convaincu qu’Aston Martin propose bien les « Britain’s Best Sports Car », il ne lui reste qu’à choisir dans la gamme, le châssis, le type de carrosserie, le moteur et les garnissages. Il patiente alors le signal de la concession Kensington-Moir & Straker, situé dans le Hanover Square de London pour prendre livraison d’une « Le Mans », un Two Seater Sports Model, ou encore d’une Sportsman’s Coupé.
Lord Smith patiente fébrilement dans l’hippomobile que son postillon mène prestement dans les rues de Londres et une fois arrivé chez Kensington-Moir & Straker, il congédie sur le champ le pauvre cocher ! Après un bref écolage, nanti de son bolide, Lord Smith regagne ses contrées, effrayé par les performances de sa rutilante Aston.
Le premier contact révèle une grave inexpérience qui se doit d’être comblée dès le lendemain. Après avoir briqué les ailes de la Royal Air Force trônant sur le capot, il faut alors mettre en branle cet impressionnant véhicule. Seul face à la mécanique, le téléphone étant balbutiant, Lord Smith ajuste son monocle et plonge dans la documentation Aston Martin. Entre la couverture de cuir et le mécanisme des quatre freins à tambours, court un chapitre indiquant la procédure à suivre pour démarrer le moteur :
« Après vérification des niveaux d’huile, d’eau et d’essence, s’installer aux commandes, actionner le commutateur de la magnéto, celui de l’une des pompes à essence, mettre le levier de l’injection en position pleine avance et garder le levier de l’accélérateur en position fermée. Tirez la gâchette du mélange, pressez le starter et pompez gentiment à l’accélérateur. Le moteur « devrait » démarrer ! » So simple, isn’t it ?
Ces vieux papiers, garnis de cuir, écornés par les doigts délicats des bourgeois ou les paluches graisseuses des mécaniciens, mettent en lumière les sacrifices à consentir pour conduire une automobile, qui plus est une Aston Martin. A une époque ou savoir lire était un luxe, pouvoir débourser une somme écrite en toutes lettres au bas d’un catalogue richement illustré était l’apanage des plus nantis. Mettre en marche son Aston était une victoire, tout comme la conduire.
A l’heure ou certains ne savent plus contrôler la pression de leurs pneumatiques, à la minute ou il faut aller au garage pour faire le plein de liquide de lave-glace, à la seconde où le quidam démarre en actionnant un énorme bouton en plastique à loupiote fluo, ce qui précède parait bien fastidieux, bien désuet.
C’était l’époque des aventuriers de l’automobile. Chaque kilomètre parcouru était une aventure et ceux qu’il fallait encore affronter se présentaient comme autant d’incertitudes. Tout en accédant à la vitesse, l’homme savait prendre le temps de faire de chaque voyage un moment unique. Avec ces Aston Martin, l’homme apprenait à apprécier le déplacement, le voyage et voyait l’automobile comme un bijou d’ingénierie, de raffinement et non comme un produit de consommation de masse, acquis pour « avoir l’air » et dont les éternels leitmotivs sont rentabilité et aspect pratiques !
Julien Libioul
V12 GT
L'émotion Automobile
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