Assister au meeting spadois de fin septembre revient à s’infliger une hyperstimulation sensorielle. Près de 600 bolides se partagent piste et paddocks. Ils rugissent tout au long des sept kilomètres du tracés, décorent les stands et font la joie d’un public nombreux et enthousiaste.
L’engouement généré par cet évènement a pour source une véritable immersion dans la légende de l’automobile. Chaque pas, chaque mètre parcouru au centre ou aux abords de la cuvette spadoise déflore des sensations neuves ou retrouvées. Chaque coin du paddock recèle son lot de surprise. Ici la Porsche 356 A avec laquelle Jim Clark brillait sur l’ancien tracé belge. Là, une spectaculaire Ferrari Testa Rossa, négligemment abandonné à l’arrière d’un stand. Tout à côté, une Abarth, immobilisée par un joli maillet et une Porsche Turbo tapie à l’arrière d’un box. Et puis, tout autour de vous, la musique des moteurs, en stéréo réverbérée par les collines, les conifères et les feuillus.
Puis vient l’heure des Six Hours. La ligne de départ, plombée par un soleil tant attendu cet été, déborde de plus de 100 véhicules, tous plus beaux, plus colorés plus impressionnants. Le signal est donné et le raidillon rugit de plaisir. Il est lacéré par les trajectoires des pilotes qui vont se relayer durant 360 minutes. Les pilotes se donnent de la peine et tournent à 150 km/h de moyenne. Les Cobra, GT40, TVR enchaînent les accélérations, avalent les courbes à fond et slaloment entre des véhicules moins férocement menés. Un accident survint, au sommet du raidillon, incompréhensible et difficile à supporter pour ceux qui savent apprécier la beauté d’une Jaguar E-Type, réduite à l’état de tas de ferraille. Un chrono, des changements de pilote, puis un passage à la pompe. Et oui, les concurrents passent à la pompe et font la file, comme vous et moi, avant de faire eux-mêmes le plein, dans la précipitation, arcboutés sur leur GT40 ou penchés sur une modeste MG. L’espace de quelques tours des images étonnantes, quatre GT40 se jouent des tours de passe-passe pour la tête de la course. La nuit tombe peu à peu, la piste refroidit et les phares s’allument. Comme autant de lucioles colorées, ils amorceront un interminable ballet, scandé par les vociférations des moteurs et commandés par le tracé du circuit. Il n’y a rien de tel que le silence de la forêt ardennaise, rompu par les jappements des moteurs. Le tableau ne serait complet sans les quelques guinguettes qui, à la lueur de quinquets, servent de la bière dans une enveloppante odeur de frites ! Des quatre GT40, deux tinrent le haut du pavé et enlevèrent les premières et seconde places, juste devant une cinquantenaire Jaguar E Type.
Parmi la multitude de courses organisées, une autre, le lendemain attirait notre attention, bien malgré nous. Le Grand Prix Masters rassemble des Formule 1 construites entre 1968 et 1978. Dix années de Grand Prix qui se déchirent une coupe à quelques mètres de vous laissent des traces sur vos tympans. Couleurs spectaculaires et légendaires, courbes malmenées par des pneus aussi larges que les vibreurs, pilotage affuté et trajectoires tendues par de surpuissants V8, font le lot de cette série. Un régal pour ceux qui ne souffrent pas de ressentir les tr/min traverser leurs corps par milliers. De cette nuée d’instruments de torture, deux Arrows et une Williams briguaient le podium, devant les Lotus, Tyrrell et autres March.
Le bruit des moteurs, les odeurs d’huile et de gomme, les vibrations répercutées par le sol jusque dans votre moelle et bien sûr la vue de tous ces véhicules enrichissent vos cinq sens d’expériences inoubliables. Vous n’attendrez qu’une chose l’édition suivante, permettant de balayer, des Mini aux GT40, l’histoire du sport automobile en même temps que d’être le témoin de l’indécrottable soif de vitesse des pilotes.
Julien Libioul
V12 GT
L'émotion Automobile
Photos Jacques Letihon et Julien Libioul
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