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Un confort serein

Rolls Royce Silver Shadow Drophead Coupe Mulliner Park Ward verte tableau de bord 3

C.R. Ghislain Balemboy

J’insère la minuscule clé dans le tableau de bord, et j’actionne le démarreur, le V8 de 6.2L ( il sera plus tard réalésé à 6.75L) se réveille, dans un chuintement feutré. Je déplace le levier de vitesses au volant, dont la commande est électrique, ce qui lui donne une précision et un toucher inimitables. J’effleure la pédale de droite, nous décollons.

Cette Rolls Royce vous transporte immédiatement dans un monde irréel, fait de douceur et de volupté. Un niveau sonore remarquable, une sellerie magnifique au moelleux digne d’un fauteuil St James de chez Darlings of Chelsea, dont le parfum vous enivre, une suspension qui vous berce doucement de virage en virage, le confort de cette Shadow est absent de la plupart des autos actuelles. Un coup d’œil aux gros pneumatiques en donne une explication partielle : de taille haute (profil 70) ils contribuent à absorber les chocs, au lieu de les transmettre aux passagers. De plus, l’amortissement est très progressif, et l’épaisseur inhabituelle des sièges fait le reste.

Le moteur contribue énormément au plaisir de conduite, son couple gargantuesque dès 1 500 tours allié à l’onctuosité de la boîte auto, dont on sent à peine le passage des rapports, donnant la sensation d’évoluer sur l’eau. Il suffit toutefois d’écraser l’accélérateur pour faire immédiatement décoller l’ensemble, avec une prestance qui ne manquera pas de surprendre les autres automobilistes qui se rapprocheraient une peu trop. Ce V8 est d’ailleurs capable d’emmener le tout à près de 200 km/h compteur, une excellente performance pour une auto qui pèse deux tonnes et demi. Attention tout de même à l’autonomie à ces vitesses, car les 130 litres du réservoir seraient engloutis rapidement.

Ce sentiment est renforcé par la présence de la Flying Lady au bout du capot, qui semble ouvrir la route, en annonçant votre venue, à la manière du fanion d’un Riva.

Quand aux qualités routières, elles ne déméritent pas, les ingénieurs n’ayant pas tout sacrifié au confort. Certes, la suspension autorise un roulis non négligeable, qui aura au moins l’avantage de vous rapprocher de votre passagère, mais les épures du train avant ayant été conçues avec soin, les vitesses de passage sont donc plutôt élevées. Et entre les virages, la stabilité à grande, et même très grande vitesse, est impériale, seul le bruissement de l’air vient vous rappeler à l’ordre.

De même, les freins très assistés ralentissent l’ensemble énergiquement, avec un ressenti à la pédale net, qui facilité le dosage, et évite aux passagers de se retrouver le nez dans la loupe de noyer. L’endurance n’est évidement pas son point fort, mais il ne s’agit pas de faire des temps à Silverstone avec pareil engin. Reste la direction, d’une très grande douceur, qui laisse entrevoir ce que font les roues avant grâce à la fine jante en bakélite noire du volant, mais qui manque tout de même de précision autour du point milieu, en particulier sur route bosselée, ou le manque de rigidité de la structure génère quelques tremblements.

Mais à quoi cela pourrait-il bien servir, pour rallier Monte Carlo depuis l’Eden Roc ? Car ce salon privé sur roues s’apprécie avant tout à une allure raisonnable, disons jusqu’à 80% de ses possibilités, ou elle délivre un confort et des sensations uniques, que l’on ne retrouve dans aucune production actuelle. Et la grande élégance de sa carrosserie, dessinée sans aucune concession aux contraintes techniques qui déforment les automobiles contemporaines, ravira vos sens et ceux des passants, même à l’arrêt. Alors, qu’attendez-vous pour vous l’offrir ?

Charles Paxson

L'émotion automobile

V12 GT

Photographe : Ghislain Balemboy

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