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De Palm Beach au Mans

Ford GT gris Montlhéry échappement

C.R. Ghislain Balemboy

La comparaison est édifiante : à part la ligne, il ne reste plus grand-chose de la GT40 dans la GT : pourtant, la position de conduite, basse et allongée, la rangée impressionnante de manomètres derrière le volant, le V8 derrière les sièges, la vision de la route à travers le pare-brise, l’expression ahurie de mon passager sont bien les indices d'une GT hors du commun.

Nettement plus spacieuse (la largeur de l'habitacle est impressionnante !), bénéficiant d’une suspension remarquablement amortie, l'atmosphère est plus GT que Le Mans. La clim automatique fonctionne à merveille : la température est clémente, plus douce d'une bonne vingtaine de degrés que dans la GT40, et le niveau sonore est bien moindre. A vrai dire, on entend plus du tout le V8 dès que l'on a passé le sixième rapport. Il faut dire qu'elle tire tellement long que l'on a l'impression que l'on va caler à 130. D'ailleurs, la boîte est plutôt douce pour des pignons capables de passer un tel couple, ainsi que l'embrayage, et la direction est très assistée, un peu collante même. Tout cela est très américain...

Au loin, la GT40 accélère le rythme. En fait, je m'en rend surtout compte au bruit qu'elle émet : ses grondements sourds déchirent l'air et s'entendent parfaitement même à 500 mètres. Pas question de me laisser distancer : je descend deux rapports et j'accélère fortement pour la rattraper. Je la rejoint en un éclair. La GT40 accélère encore. La vitesse aidant, nous nous "grimpons" sur le flanc de l'anneau, à ce qui semble être la verticale. Cela met clairement mon passager mal à l'aise. Il est vrai que l'on a constamment l'impression que l'on va décrocher brutalement et finir sur le toit en bas de l'anneau, après 4 tonneaux !

Devant moi, la GT40 semble avoir du mal à gérer les dalles de béton de l'anneau de vitesse, disjointes par endroits. Ses suspensions sont tellement compressées par la force centrifuge qu'elle talonne de plus en plus. La GT reste imperturbable et tient son cap. Nous abordons la ligne droite des stands, cinquième, j'écrase l'accélérateur, le compresseur s'entend nettement, le V8 gronde et nous propulse en avant. La GT40 est loin derrière. J'accélère encore, en conservant la cinquième. Le moteur est à son régime de couple maxi, il montre enfin sa puissance. Même à cette vitesse, la moindre pression sur la pédale de droite nous plaque au dossier. Je sens les anneaux métalliques qui garnissent le cuir des baquets dans mon dos. Freinage appuyé : pour une américaine, elle freine fort ! Les énormes disques Brembo ventilés, percés et les étriers à 4 pistons freinent fort, et sans fading. Nouvelle accélération. La GT se réveille, tout semble rentrer dans l'ordre : sa direction est incisive et naturelle, les suspensions semblent raffermies et ne tolèrent aucun roulis. La rigidité du châssis en aluminium, pourtant soumis à des forces de torsion extrêmes, impressionne. En appui, le comportement est sain, les dérives très progressives. J'effectue un tour de plus, pour le plaisir...

J'ai compris, la GT a deux visages. Le premier, son coté "Palm Beach", est axé sur l'aisance de conduite : elle permet de flâner toute la journée à la plage. Le second visage, "Le Mans", la rend capable de suivre les meilleures GT européennes grâce à l'excellence de son châssis, le couple écrasant de son V8 à compresseur lui donnant même un certain avantage en ligne droite.

La GT40, elle, n'a gardé que le coté Le Mans : performante, exigeante, passionnante, elle demande une bonne expérience du volant et le sens de l'abnégation pour en tirer le meilleur. Mais n'espérez pas suivre à son volant la GT à Palm Beach : elle n'est pas faite pour cela !

Charles Le Menestrel

V12 GT

L'émotion automobile

Photographe : Ghislain Balemboy

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