Récemment nous prenions fébrilement le volant d’une Mercedes 300 SL à Monthléry. Cette aventure a suscité beaucoup d’intérêt, jusqu’au sein de la division oldtimer de Mercedes, qui a même invité l’heureux propriétaire, un amateur français au goût très marqué pour les automobiles exceptionnelles, à participer au Concorso de la Villa d’Este 2012, sur les rives du Lac de Come, où elle a été primée.
Il était donc essentiel de revenir sur l’histoire exceptionnelle de cette voiture.
En 1955, les 24 Heures du Mans sont marquées par un dramatique accident. Mike Hawthorn, sur Jaguar, commet une manœuvre imprudente et contraint Lance Macklin à faire un écart.
Le Français Pierre Levegh, sur Mercedes 300 SLR ne peut éviterMacklin.
La SLR, propulsée dans la tribune faisant face aux stands, explose. Les débris de cette boule de feu bombardent le public. 84 spectateurs perdent la vie.
Alfred Neubauer, directeur de l’écurie Mercedes consulte Stuttgart et retire les voitures de la course.
L’évènement fait grand bruit, à l’échelle internationale. La course automobile devient subitement très mal perçue. La Suisse interdira toute course sur circuit jusqu’en 2007. La Carrera Panamericana disparaît du calendrier. Le débat sur la sécurité est lancé…
Dans ce contexte, Mercedes a évidement tout intérêt à la jouer profil bas. Ceci dit, un problème se pose. Aux Etats-Unis, la spectaculaire Mercedes 300SL à portes papillon ne remporte pas le succès escompté. L’espace de la salle d’exposition du talentueux importateur Max Hoffman était déjà accaparé par l’un de ces papillons. Chique, exclusive, la dernière bête de course de la marque à l’étoile, ne décolle pas.
Au début de la saison 1955, Paul O’Shea est employé comme vendeur chez Max Hoffman, également distributeur de la marque Porsche. A cette époque, O’Shea n’a plus couru depuis deux ans et trépigne. A la sortie de la Porsche Spyder, Hoffman demande à Paul O’Shea s’il veut prendre part aux 12 heures de Sebring au volant de l’une de ces Porsche.
O’Shea fait des merveilles durant l’épreuve et remporte la catégorie 1100 cc, offrant par là une belle visibilité à la marque allemande, peu titrée jusque là aux Etats-Unis. De retour à l’hôtel, O’Shea reçoit la visite de Heintz Gerth, l’un des employés de l’usine Mercedes. Déçus des performances en compétition de leur Gullwing, ils voudraient en confier le pilotage à O’Shea. Ce dernier ne se fait évidement pas prier.
Le coup d’essai a lieu à Cumberland. L’équipe technique est composée d’employés du garage de Hoffman et de bons éléments glanés de ci de là. Deux autres 300 SL et de redoutables Jaguar rugissent sur la ligne de départ. O’Shea démontre à nouveau une grande maestria et s’impose.
L’usine Daimler-Mercedes est convaincue par cette performance et étend le programme à la saison complète. O’Shea est alors employé par l’usine mais continue à exploiter les installations de Hoffman et à rouler avec des 300SL de série.
La saison 1955 se déroule comme un charme. O’Shea aligne les succès dans le championnat S.C.C.A., le Sports Cars Club of America, si bien qu’il l’emporte à l’issue de la saison, en engrangeant à lui seul, toutes catégories confondues, le record de points de la saison.
En 1956, les deux voitures allouées aux exploits d’O’Shea viennent directement d’Allemagne. Sans être véritablement différentes de voitures client, ces deux voitures étaient soignées dans le détail. Des jantes Rudge, des amortisseurs et ressorts spécifiques, et un moteur bien assemblé permettaient à cette 300 SL d’affronter les circuits avec une étonnante vélocité.
Les deux voitures étaient engagées en compétition sous le nom de Georges Tilp, un grand amateur d’automobiles qui prêtait à Mercedes une partie de son garage du New Jersey. Le « team Georges Tilp », au sein duquel on parlait beaucoup allemand…, effectuait alors tous les tests et essais qui s’imposent à un programme en compétition.
1956 est à nouveau une saison pleine de succès pour O’Shea. Il mène 00021, la voiture de notre récent essai, comme un diable et est à nouveau détenteur du plus grand nombre de points. Une couronne supplémentaire sur le capot étoilé de la 300 SL.
A voir également