Le cameraman me fait signe d’y aller. La 300 SL démarre en souplesse, sans à-coup ou hésitation.
Les quatre vitesses s’enchainent naturellement, la commande de boite est très précise et tactile, sans fermeté excessive.
Seul le débattement latéral du levier vient rappeler le côté très « vintage ».
Je monte la troisième à 5 500 tours, un régime impressionnant pour l’époque et je sens bien que le moteur a encore de la puissance à revendre. A ce régime, sa douceur initiale s’est transformée en un caractère nettement plus rageur, mais toujours sans le moindre signe d’effort ou vibration intempestive.
Le bruit du moteur est unique, un mélange de six cylindres britannique et de mécanique italienne, ce qui s’explique par son architecture en ligne. Bref, le bel canto de la diva, mais sans les caprices qui vont de pair…
Une autre 300 SL, en très bel état, nous a rejoint sur l'anneau, je la double sans difficulté, la trentaine de chevaux en plus conjuguée aux kilos en moins me donnant une marge nettement perceptible.
J’emprunte une chicane imaginaire pour évaluer la tenue en courbe, levant le pied un peu vite avant d’actionner les freins à tambours. Le transfert de masse qui en résulte allège immédiatement l’arrière, ce qui facilite l’inscription de l’auto dans le virage. Ce trait de comportement, assez proche de celui des Porsche 356 contemporaines, peu surprendre le pilote non averti, mais est tout a fait caractéristique de la 300 SL.
En fait, il suffit une fois le point de corde passé, de ré-accélérer progressivement pour stabiliser l’auto tout en redressant l’avant. La direction, bien que démultipliée, reste précise et permet de contrôler la trajectoire sans difficulté. Mais le plus étonnant reste la suspension. Je craignais le pire, vu l’allure surbaissée de l’engin, et l’état de l’anneau par endroits, qui se traduit en général par des tressautements et vibrations en tout genre.
Ce confort réel m’incite à accélérer encore l’allure, jusqu’à frôler le haut de l’anneau dans les deux grandes courbes. A cette vitesse, les suspensions sont compressées jusqu’en bout de course, mais la 300 SL file toujours droit, sans dériver de sa trajectoire. Même le niveau sonore est tout à fait supportable, équivalent à celui d’une 911 bien plus récente !
Cette 300 SL s’avère finalement aussi apte à digérer les courbes serrées qu’à atteindre les plus hautes vitesses, grâce à une technologie de haut vol et surtout à une mise au point soignée. Cette polyvalence la rend apte à briller en toutes circonstances, des rallyes routiers aux sorties sur circuit. Sans oublier les concours d’élégance, où ses lignes intemporelles continuent d’interpeler le collectionneur le plus blasé.
Photos : Ghislain Balemboy et François Lardat
Charles Paxson
V12 GT
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