Après un tour de chauffe avec son mécanicien attitré, lui même ancien pilote ayant bien connu l’anneau de Montlhéry, mon tour est venu.
J’actionne le petit levier qui sert de poignée et je soulève la portière. Le large caisson qui renforce le châssis m’oblige à une gymnastique digne de celle nécessaire pour se hisser à bord d’une GT40.
Je me concentre afin d’éviter de me cogner la tête sur la portière déployée et je glisse mes jambes sous le volant, le tout en évitant d’érafler le magnifique cuit cognac qui recouvre une grande partie de l’habitacle. Cette Gullwing a été restaurée dans les règles de l'art, jusqu'au choix du grain de la peausserie, et la qualité du travail effectué impose le respect.
Une fois à bord, je savoure une minute l’ambiance qui y règne, et je profite de la portière ouverte pour respirer une bonne bouffée d’air frais, avant de la refermer. Cela dit, cette 300 SL est équipée de la climatisation, petite entorse à l’origine.
La présence de cet accessoire fera certainement hurler au scandale nombre de puristes, mais il suffit de leur rappeler que cette « hérésie » est parfaitement réversible, sans laisser de traces, et que cette Gullwing a été restaurée pour rouler aux Etats-Unis, où les températures estivales et en particulier le taux d’humidité peuvent y atteindre des sommets. D’ailleurs, le soleil étant de la partie, je mets discrètement en marche l’interrupteur de compresseur et le ventilateur, et un filet d’air frais vient immédiatement me rafraichir le visage.
J’observe les stands et l’anneau de vitesse de mon cockpit. Les surfaces vitrées sont importantes, laissant peu d’angles morts, mais le volume de l’habitacle et la proximité du pare-brise me donnent un peu l’impression d’être dans une bulle en plexiglas de mitrailleur de Forteresse Volante de la deuxième guerre. L’effet est saisissant et fait plus penser à l’aéronautique qu’à l’automobile. Imaginez la stupeur des passants en 1955, lorsqu’ils avaient la chance d’apercevoir le pilote d’un tel engin lever la porte papillon, avant de s’en extraire.
Je me cale dans le baquet d’origine, dont le cousin d’assise en cuir a été remplacé par celui en tissu de laine à motif tartan, très « vintage-sport-chic ». Le soutient aux jambes est suffisant, mais le dossier est un peu court, comme sur la majorité des sportives de l’époque.
Le moteur démarre instantanément, grâce à l’injection mécanique. Le ralenti est étonnamment stable, pour un moteur de compétition. De plus, sa douceur et l’absence de vibrations surprend, on se croirait plus dans une berline 300 que dans une auto de course ! Je joue avec le levier de vitesses quelques instants, passant les différents rapports, à l’arrêt, « à blanc », afin de me familiariser avec la boite.