Ah ! J’allais oublier de boucler mon harnais. Machinalement, mon pied gauche cherche l’embrayage, mais la SV n’y a pas droit. Question de poids, semble t-il. Dommage de ne pas proposer le choix.
Plus de 600 chevaux sous une pluie battante… Une peur sourde me prend aux tripes mêlée à une fascination pour cette bête à peine domptée… J’accélère doucement. Malgré les progrès réalisés par la boite robotisée, il n’est toujours pas facile de faire évoluer une auto pareille sur un filet de gaz. Au moins, j’économise mon mollet gauche. J’accélère encore. Seconde, je ne suis pas très à l’aise, troisième, cela va mieux. Mis en confiance, j’écrase l’accélérateur et je passe la quatrième « à la volée ». Je n’ai aucun mérite, la boite faisant tout le travail ! J’ai compris. La SV, comme tout pur sang, aime être menée avec fermeté, sans hésitations, mais elle ne réclame pas une force herculéenne pour autant.
Un rond point à basse vitesse: la SV vire facilement, le sous-virage que l’on retrouve sur les autres quatre roue motrices de Sant'Agata apparaissant plus tard. Une belle accélération en ligne droite, je suis collé au siège, la motricité est sidérante, en dépit de la pluie battante. Difficile dans ces conditions de se rendre compte d’une amélioration des performances. Le bruit par contre, est magnifique, un peu comme si le V12 avait été enfin libéré et s’en donnait à cœur joie. Passé 5 000 tours, la poussée vous cale dans le baquet et les hurlements stridents du moteur vous donnent la chair de poule, ponctués par les claquements des passages des rapports.
Quelque petits virages. Je suis surpris par la vivacité de la direction, dont l’assistance parfaitement dosée filtre nettement moins les messages du train avant que sur d’autres concurrentes. De plus, la grande qualité de l’amortissement compense la fermeté des ressorts et la quasi-absence de rembourrage des baquets en carbone. Freinage appuyé : la puissance et la progressivité des freins, pourtant identiques à ceux de la Murcielago, impressionnent et inspirent confiance.
Nous terminons notre essai par quelques « figures libres » sur la piste, l’idée étant surtout de faire plaisir au photographe et au cameraman, en tentant de faire décrocher l’arrière brutalement . Pas si simple, malgré le bitume détrempé de notre piste d'essai. Nous passons au mode « Sport ». L’avant a tendance à glisser en élargissant la trajectoire, la répartition du couple entre l’avant et l’arrière (jusqu’à 100%) ayant du mal à suivre le rythme. Au troisième essai, elle part, mais se rattrape sans trop de difficultés malgré le poids.
Bestiale, la Murcielago SV n’a pas la finesse de pilotage d’une Ferrari ou l’élégance des lignes d’une Aston Martin, elle est brutale, du martèlement de ses douzes pistons aux lignes acérées de ses appendices divers. Une fois de plus, Lamborghini proclame haut et fort que le taureau de Ferruccio est bien vivant, prêt à encorner sur-le-champ quiconque oserait le défier…
Charles Paxson
V12 GT
L'émotion automobile
Photographe : Ghislain Balemboy