« Vous savez, au début des années 80, les voitures capables d’aller chatouiller les 280 ne sont pas nombreuses. Et les autres sont moins recommandables… ». C’est avec ces mots que le gestionnaire d’Art & Revs, Florent Moulin, négociant automobile de goût, me passe le volant de la Ferrari.
Voilà qui rassure ! Et pourtant le premier contact avec l’engin est plutôt policé. N’accusant que 30.000 km au compteur, la Ferrari nous gratifiait d’un habitacle somptueux et merveilleusement préservé par le temps, n’en déplaise aux détracteurs de la fameuse « finition Ferrari ». Tout est séduisant, bien fini et plutôt bien dessiné. Seuls les chiffres rouge-orange sur fond noir trahissent l’homogénéité et l’élégance sportive de cette 512.
Tête dans le ciel de toit, volant sur les genoux, je bascule la minuscule clef dans le barillet. Le démarreur souffle paresseusement. Souvenez-vous qu’il a 12 cylindres à mettre en branle… Le V12 s’éveille paisiblement.
J’empoigne le légendaire petit levier de vitesse, je me croque le poignet, en bas à gauche, et … je cale ! La course de l’embrayage est ferme et très réduite. Le second essai flatte d’emblée mes oreilles.
Les premiers mètres sont déroutants, intimidants. La direction, les freins, l’embrayage, la boite de vitesse paraissent fermes et vous disent « Je suis une Ferrari, tu dois me mériter ». Après avoir fait connaissance, l’appréhension se transforme en une agréable sensation de robustesse.
La direction lourde à basse vitesse donne confiance quand l’aiguille du tachymètre décolle. L’embrayage est un peu délicat lors de la mise en branle, mais émerveille de consistance lorsque l’on égrène les rapports. Les freins travaillent mon mollet mais rassurent ma conscience.
Et puis il y a le phénomène qui vous colle au dos. Cette fluide pulsation à laquelle j’insuffle le désir de vivre par l’accélérateur, dont je rythme les élucubrations de la main droite. Le douze cylindre à plat ! Toujours puissant, jamais brutal. Souple et linéaire il gratifie vos oreilles d’une sonorité métallique qui, crescendo, du cuivre au violon, surclasse les plus grands opéras. Dans la sobriété, dans la justesse le flat 12 incite à l’envie.
Puis, il y a ce truc magique, la baguette du chef d’orchestre : la boîte à 5 rapports. L’équilibre entre une délicate précision et un viril mouvement musculaire fait merveille chez qui conçoit la conduite comme une activité en soi, aussi physique qu’intellectuelle. Et pour ne rien gâcher, chaque changement de rapport, chaque rétrogradage est marqué par le précieux clic ! Diable mais quelle mécanique !
En définitive, c’est dans son comportement, dans sa manière d’exister sur la route que la 512 BBi affirme qui elle est : une somptueuse GT.
Hormis la position de conduite, la Ferrari met en évidence un grand confort de roulage, une grande douceur. Loin de la sportive, elle vire néanmoins à plat, avale les dégradations de la route sans se désarticuler, grâce notamment à ses jantes de belles dimensions. La direction est directe et procure de très bonnes sensations. D’apparence saine et prévisible, la 512 BBi malmenée tendra au sous-virage.
Cette Ferrari 512 BBi est une voiture particulière. D’apparence rude, elle laissera le 12 cylindres « boxer » vous susurrer à l’oreille : « 200 km/h ? Je peux faire mieux tu sais ? Allez encore 100 km. On est presque à la Côte d’Azur. Laisse-moi t’emmener ». Cette 512 BBi incite au voyage, à grande vitesse et me permet de m’imaginer traversant l’Allemagne, la Suisse et l’Italie à 200 km/h de moyenne, à l’époque où les radars étaient réservés aux aéroports.
Cette 512 BBi, fiable lorsqu’elle est entretenue, est une compagne, un pousse-au-crime délicat, une maitresse. Une de celles qui vous incite à la fréquenter pour le propre plaisir qu’elle éprouve à s’épanouir sous vos doigts.
Que ceux qui sont intéressés se jettent sur cette Ferrari. Non seulement sur l’exemplaire mis en vente par Monsieur Moulin est probablement l’un des plus délicieux qui soit en vente pour le moment. Non seulement parce qu’il est dans un état impeccable, mais aussi car sa combinaison de couleur carrosserie, habillage intérieur est tout simplement parfaite.
Hâtez-vous, ces voitures sont véritablement sous-cotées. Elles vaudront de l’or aux yeux de ceux qui sauront en saisir l’exception !
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Julien Libioul
V12 GT
L'émotion Automobile
Photos : Jacques Letihon