Collection Ralph Lauren
Interview à Paris
Ralph Lauren, couturier-collectionneur, livre ses pensées et son expérience de l’automobile à Rodolphe Rapetti, commissaire de l’exposition « l’Art de l’Automobile, chefs-d’œuvre de la collection Ralph Lauren », au Musée des Arts Décoratifs. Extraits.
Quand et comment avez-vous commencé à collectionner ? Quelles étaient vos motivations de départ ? Sont-elles identiques aujourd’hui ?
Je ne me considère pas comme un collectionneur d’automobiles. Dans mon esprit, elles sont comme une part de moi-même. C’est un amusement, comme des jouets ; lorsque vous commencez à en essayer plusieurs et que vous pouvez vous les offrir, vous les regardez et vous rêvez de les acquérir. Chacune suscite une sensation différente. Peu importe que ce soit une Bugatti ou une Morgan 1961.
Ma collection reflète cette diversité. Je n’ai jamais cherché à acheter des automobiles pour épater les gens ; je me vois plutôt les conduisant, vivant avec elles et les utilisant comme si elles faisaient partie de moi. Je ne les considère pas comme des objets merveilleux que je posséderais et que les autres viendraient admirer. Je les conduis et m’en sers pour me promener avec mes enfants. En fin de compte, je leur fais retrouver leur véritable nature.
Certaines voitures de votre collection remontent à une époque où l’automobile relevait encore de l’artisanat, du moins en ce qui concerne les véhicules de prestige. Vous êtes d’évidence sensible à cet aspect. Y trouvez-vous des points de ressemblance avec votre activité dans le domaine de la mode ?
Très certainement. Pour moi, les automobiles sont de véritables œuvres d’art. Dans ma collection, certaines des plus anciennes ont réellement été faites à la main. Les finitions et le travail du métal étaient réalisés par des artisans.
J’ai toujours aimé ces machines créées par des personnes qui mettent à profit leur passion pour la abrication afin de donner naissance à de belles formes ou à des sons qui procurent du plaisir.
Ettore Bugatti était un artiste de ce genre. Ses voitures étaient les créations d’une équipe d’artisans. J’adore ce côté artisanal, on a l’impression d’entretenir une relation personnelle avec le fabricant.
Aujourd’hui, la création automobile est beaucoup plus sophistiquée, mais celles que j’aime, collectionne et conduis sont toujours particulières, possédant une identité artistique qui leur est propre.
Le travail à la main est capital dans mon activité de créateur. Beaucoup de nos produits, comme les sacs à main ou les montres, sont fabriqués manuellement par des artisans un peu partout dans le monde. Ces objets sont très attirants parce qu’ils ont une intemporalité qui transforme leurs possesseurs en collectionneurs. Posséder aujourd’hui quelque chose fait à la main, de façon artisanale, relève du principe de désir.
Vous avez dit à plusieurs reprises que vos voitures représentaient pour vous une source d’inspiration dans la création de vêtements, d’objets ou d’accessoires. Pourriez-vous expliquer en quoi ?
Ma vie quotidienne, mon travail, les choses que j’aime et les gens que je rencontre sont pour moi une source continue d’inspiration. Je suis constamment à la recherche d’idées pouvant développer ma vision créative.
Les automobiles ont toujours été un élément enrichissant dans ce processus. Quand je contemple une voiture, j’aime ses prises d’air très stylisées, une rangée de rivets en acier, un enjoliveur ou un bouchon de réservoir, un volant parfaitement travaillé, des garnitures d’un cuir onctueux, un tableau de bord en ronce de bois soigneusement poli ou la beauté d’une sangle en cuir sur la capote. Je m’empare de ces détails et les utilise pour créer aussi bien une montre qu’un fauteuil destiné à une femme en robe de soirée.
Il y a quelques années, je me suis inspiré de la fibre de carbone de ma McLaren. J’ai été saisi par l’idée que ces cinquante quatre couches de tissu carbone, que l’on ne trouvait autrefois que dans les jets les plus performants et les voitures de course, pourraient être utilisées pour un fauteuil à la fois incroyablement confortable et résistant. Nous avons conçu le fauteuil en fibre de carbone RL-CFI, le premier du genre, en 2003.
Lorsque, l’an dernier, nous avons lancé la collection de montres Ralph Lauren, de nombreuses formes provenaient de dessins de nos archives. La plus novatrice est directement inspirée de ma Bugatti Atlantic. Je l’ai appelée The Dash parce que son cadran est une reprise du tableau de bord en ronce.
Elle s’inscrit dans l’esprit des lignes pures de la voiture. Je serai heureux de la porter quand je conduirai l’Atlantic.
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